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03/10/25

Définir la vulnérabilité en tenant compte des expositions : 
EVALVIE

 

Se doter d'outils et de méthodologies adaptés

Lorsque les collectivités engagent des démarches, elles cherchent rapidement à décliner les compétences qu’elles acquièrent. En effet, un problème en soulève souvent un autre. Dès lors, elles ont eu besoin de construire des outils et des méthodologies qui leur permettent d’identifier plus rapidement les problèmes, voire même de les anticiper, et d’y répondre plus efficacement. 

Pour les collectivités, la première barrière pour appréhender l’état sanitaire et environnemental de leur territoire réside dans l’éparpillement des données et leur manque de précision. L’accumulation de données ne suffit pas. Pour qu’elles soient utiles, il faut être en capacité de les interpréter et de les traduire, au regard des questions que se pose un territoire. C'est sur cette base que les collectivités sont en mesure ensuite de prendre des décisions éclairées.

COLLECTIVITÉ
métropole d’Aix-Marseille-Provence

RÉSUMÉ DE L’EXPÉRIENCE
La zone industrialo-portuaire de l’étang de Berre est souvent citée en exemple pour le nombre d’études scientifiques réalisées sur les pollutions industrielles. Mais comment une collectivité peut-elle s’en saisir pour intégrer les risques dans ses projets ? De 2021 à 2024, le projet de recherche EVALVIE a consisté à mesurer la vulnérabilité du territoire en tenant compte des pollutions et des risques pour l’environnement et la santé, dans la perspective de construire un indicateur de suivi.

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02/10/25

Restaurer le dialogue 
et la confiance : 
le tiers de confiance

Construire un dialogue élargi

Les pollutions étant un vaste champ de méconnaissance, il est indispensable de définir collectivement les questions sur lesquelles il est nécessaire de progresser. Mais les instances existantes au niveau national, comme le CSPRT, et au niveau local (CSS, CODERST) n’offrent pas toujours un dialogue suffisant, notamment avec les riverains et les collectivités, sur les pollutions industrielles touchant tous les milieux. Des dispositifs dédiés, dont certains animés par les SPPPI, existent mais ils sont rares. Ce sujet est marqué par une culture du travail en silo et un fort cloisonnement. Ainsi, sur la question des PFAS, il aurait été souhaitable d’associer les collectivités, au plan national interministériel, ne serait-ce que pour mieux cerner leurs besoins effectifs. 

Qu’il s’agisse de l’Institut Écocitoyen pour la Connaissance des Pollutions, du service dédié aux risques sanitaires de Lille ou de l’Observatoire local de la santé de Dunkerque, les démarches engagées ont en commun leur capacité à initier des échanges, même en situation de conflit, et à créer une ouverture sur les questions des habitants et sur les apports du monde de la science. Elles mobilisent l’expertise nécessaire pour travailler sur les sollicitations des habitants et les questions locales. La participation des citoyens dans les processus de recherche permet de renouer la confiance et d’apaiser les tensions. Ces démarches démontrent la nécessité de créer un chaînon - actuellement manquant - entre les expertises et les acteurs.

COLLECTIVITÉ
Ville de Montreuil

RÉSUMÉ DE L’EXPÉRIENCE
Faisant le constat qu’à Montreuil, l’héritage industriel est très prégnant dans les sols de la ville, que la population est mobilisée et que le respect de la réglementation par les aménageurs ne garantit pas l’absence de risque pour le voisinage, la ville a défini une méthodologie qu’elle déploie lors des projets urbains de réhabilitation des friches. Elle a été conçue sur le terrain et dans le cadre d’un conflit ayant nécessité l’intervention d’un tiers de confiance.

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02/10/25

Collaborer pour comprendre : 
les ateliers citoyens PFAS

 

Construire un dialogue élargi

Les pollutions étant un vaste champ de méconnaissance, il est indispensable de définir collectivement les questions sur lesquelles il est nécessaire de progresser. Mais les instances existantes au niveau national, comme le CSPRT, et au niveau local (CSS, CODERST) n’offrent pas toujours un dialogue suffisant, notamment avec les riverains et les collectivités, sur les pollutions industrielles touchant tous les milieux. Des dispositifs dédiés, dont certains animés par les SPPPI, existent mais ils sont rares. Ce sujet est marqué par une culture du travail en silo et un fort cloisonnement. Ainsi, sur la question des PFAS, il aurait été souhaitable d’associer les collectivités, au plan national interministériel, ne serait-ce que pour mieux cerner leurs besoins effectifs. 

Qu’il s’agisse de l’Institut Écocitoyen pour la Connaissance des Pollutions, du service dédié aux risques sanitaires de Lille ou de l’Observatoire local de la santé de Dunkerque, les démarches engagées ont en commun leur capacité à initier des échanges, même en situation de conflit, et à créer une ouverture sur les questions des habitants et sur les apports du monde de la science. Elles mobilisent l’expertise nécessaire pour travailler sur les sollicitations des habitants et les questions locales. La participation des citoyens dans les processus de recherche permet de renouer la confiance et d’apaiser les tensions. Ces démarches démontrent la nécessité de créer un chaînon - actuellement manquant - entre les expertises et les acteurs.

COLLECTIVITÉ
Métropole de Lyon

RÉSUMÉ DE L’EXPÉRIENCE
La complexité du sujet PFAS impose un travail partenarial. Partant de ce constat, l’étude de bio-imprégnation initiée en 2023 par la métropole de Lyon a été articulée autour d’une démarche collaborative et participative afin d’intégrer les habitants, partie prenante trop souvent exclue.

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01/10/25

« Pollution atmosphérique : les moyens réglementaires ne sont pas adaptés »

Parole d’expert / Chimie

Journée de lancement du programme Collectivités et Pollutions industrielles, 22/01/2022, Lyon.

 

RÉSUMÉ 

>> L’encadrement réglementaire de la surveillance de la qualité de l’air n’est pas adapté pour rendre compte des spécificités des territoires.

>> Les mesures de surveillance de la qualité de l’air doivent être
territorialisées.

>> Il est nécessaire d’améliorer la mesure de la qualité atmosphérique
pour l’adapter aussi aux besoins des décideurs.

>> Les pistes d’actions : coupler la mesure de la toxicité des polluants
à une meilleure connaissance des sources pour agir efficacement. 

 

POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE : ADAPTER LES DISPOSITIFS DE SURVEILLANCE POUR LES RENDRE PLUS PERTINENTS

Déconnexion du cadre national avec les spécificités des territoires

LA RIGIDITÉ DU CADRE NATIONAL

Le dispositif de surveillance de la qualité de l’air est défini par la loi LAURE (Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie) adoptée en 1996. La surveillance de la pollution atmosphérique est déléguée aux AASQA (associations agréées pour la surveillance de la qualité de l’air), présentes dans chaque région. Cette activité de surveillance est encadrée par un agrément délivré par l’État, qui assure que les méthodes sont mises en œuvre de la façon la plus rigoureuse possible. Cet encadrement a un revers : il laisse peu de place à la prise en compte des contextes locaux.

L’outil de base de ces associations sont les stations de mesure. Elles abritent des capteurs qui suivent certains paramètres réglementaires. Ces outils sont peu adaptés à la réalité du terrain, ou de façon marginale (le nombre d’espèces suivies reste très faible). Pour compléter l’information donnée par ces stations, réparties ponctuellement sur un territoire, on utilise l’outil informatique qui, par modélisation, permet de calculer les concentrations en polluants sur un espace situé entre 2 stations.

LE CHOIX TRÈS LIMITÉ DES COMPOSÉS MESURÉS

La réglementation impose le suivi de la concentration de certains composés parce que :
> Les outils existent pour les mesurer en continu : 24h/24, 7j/7, avec une résolution temporelle de l’ordre du 1/4 d’heure.
> Ces composés sont censés représenter la contribution de certains secteurs d’activité à la pollution atmosphérique. Ce sont des traceurs qualitatifs, et non des indicateurs de toxicité.

Ainsi les oxydes d’azote (NOx), même s’ils ont un effet sur l’organisme, ne comptent pas parmi les polluants les plus dangereux pour la santé. Les NOx sont, par exemple, représentatifs du trafic routier, car la circulation en est la source principale. En mesurant les NO x, on peut théoriquement avoir une idée de l’importance de la pollution automobile. Le dioxyde de soufre (SO 2) donne, lui, une idée de l’importance de la pollution industrielle sur une zone. On pourrait ainsi associer au SO 2 tout le cortège des polluants émis par les activités industrielles. Mais chaque territoire étant différent, ce type d’opération n’est pas possible. Enfin, l’ozone n’est pas émis directement par une source. On parle de polluant secondaire. Bien qu’il ne soit pas l’oxydant le plus fort dans l’atmosphère, il est considéré comme étant représentatif de sa capacité oxydante, c’est à dire la capacité de l’atmosphère à réagir et à transformer d’autres molécules.

UNE VISION TRÈS PARTIELLE

Un très faible nombre de composés sont mesurés pour évaluer leur toxicité. On a donc une vision très partielle du problème. Par exemple, au sein de la très grande famille des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), un seul congénère est mesuré le benzo-apyrène (BaP). Donc même quand on s’intéresse à des composés toxiques, on ne mesure qu’un seul élément de toute une catégorie de molécules. Cela nous ramène à notre propos initial : finalement, la mesure réglementaire ne se fonde que sur des traceurs, c’est-à-dire des espèces représentatives d’une activité ou d’une famille de polluants. La réalité est qu’on ne sait pas exactement ce que ces pollutions induisent sur la santé.

Ces traceurs ne sont pas suffisants pour donner une information sur la toxicité de l’atmosphère. On mesure des concentrations de quelques molécules, sans pouvoir les traduire en impact sur la santé ou sur l’environnement.

Les valeurs limites réglementaires sont malgré tout assez nombreuses et complétées par des objectifs de qualité, des seuils intermédiaires… Mais elles sont le résultat de compromis sur les niveaux qui peuvent être raisonnablement atteints dans l’atmosphère, sans être certain d’écarter les risques pour la santé.

Adapter la mesure atmosphérique pour la rendre utile

1RE PISTE D’ACTION : S’INTÉRESSER A LA TOXICITÉ DES POLLUANTS

Sachant que, d’une part, nous n’arrivons pas à multiplier les composés analysés pour cause de moyens techniques et, d’autre part, que nous ne connaissons pas exactement leurs effets sur la santé, il y aurait une façon plus simple de procéder : mesurer directement la toxicité de la pollution atmosphérique. Pour cela, des tests sont en cours de développement dans les laboratoires pour mesurer le « stress oxydatif », au lieu de mesurer l’ozone, qui n’est qu’un indicateur qualitatif de la capacité oxydante de l’air. L’objectif ne serait plus de mesurer la concentration d’une molécule (exprimée par exemple en g/m³) mais d’étudier directement une conséquence pour la santé.

Le stress oxydatif est une première étape vers la mesure de la toxicité, et il est pertinent pour un certain nombre de composés. Il n’est cependant pas la solution miracle car ce n’est qu’un paramètre toxicologique parmi d’autres. Par exemple, un hydrocarbure aromatique polycyclique (HAP) n’induit aucun stress oxydatif, ce qui ne l’empêche pas de provoquer des maladies.

Les premiers développements pour la mesure du stress oxydatif en ligne (dans les conditions de la surveillance continue de la qualité de l’air) sont en cours dans le cadre de travaux de recherche, qui visent à évoluer vers des concentrations de toxicité.

2EME PISTE : CONNAITRE LES SOURCES POUR POUVOIR AGIR

Pour améliorer la qualité de l’air, il ne suffit pas de mesurer la toxicité des polluants. Il faut également savoir d’où ils viennent, et réaliser pour cela des études de sources. Ces méthodes sont développées depuis une dizaine d’années

(Grenoble, Fos-sur-Mer, Marseille, etc.). Elles permettent de déterminer la contribution des principales sources à la pollution de l’atmosphère par les particules. Différentes méthodes existent pour identifier et quantifier l’origine des aérosols. Elles doivent être simplifiées pour être utilisées de façon continue.

3E PISTE : COUPLER LES DEUX PRÉCÉDENTES

Finalement, tous les espoirs sont permis sur la base des études de potentiel oxydant et des méthodes de quantification des sources. Nous pouvons donc imaginer développer des études de sources couplées au potentiel oxydant, ce qui permettrait d’obtenir la contribution des différentes sources à la toxicité de l’atmosphère.

Concrètement, on obtiendrait une territorialisation de la toxicité et des possibilités d’action sur chacun de ces territoires. Nous sommes encore loin d’une exploitation quotidienne sur le terrain, mais nous connaissons la direction vers laquelle faire évoluer le dispositif actuel de surveillance de la qualité de l’air.

 

CONCLUSION

>> La réglementation fixe la liste des polluants surveillés et cette liste est très réduite. Elle a été élaborée pour surveiller la qualité de l’air là où se trouve la majeure partie de la population, c’est-à-dire les villes. Elle n’est pas adaptée à tous les territoires.

>> Pour exemple, dans un contexte industriel, les oxydes d’azote (NOx) ne sont pas un indicateur valable pour tracer le trafic routier, car certains sites industriels sont de gros émetteurs. La situation est identique pour le cas des particules. Partout en Europe, on les mesure en les pesant, ce qui privilégie les grosses particules et ne permet pas de connaître la teneur en particules ultrafines, car ces dernières n’ont pas de poids. Or, en contexte industriel, près de 80 % des particules se classent parmi les plus fines. On pourra avoir de très fortes concentrations en particules ultrafines (qui sont si petites qu’elles n’ont pas de masse), sans dépasser les valeurs réglementaires qui se fondent sur les particules les plus grosses.

>> C’est pourquoi, il faut adapter la surveillance à chaque territoire, en mesurant une toxicologie plutôt que des concentrations.

 


01/10/25

« Le problème des responsabilités est avant tout une question de droit à la santé »

Parole d’expert / Droit public

Journée de lancement du programme Collectivités et Pollutions industrielles, 22/01/2022, 

 

EN RÉSUMÉ 

>> Les questions de l’environnement et de la santé sont des questions
transversales qui avancent côte à côte.

>> Aujourd’hui, les collectivités ont peu de pouvoirs sur ces questions et peu de responsabilité. Elles ne sont pas très touchées, mais elles le pourraient. Elles sont l’interlocutrice principale des habitants. C’est pourquoi il convient d’anticiper sur ce mouvement.

>> Les pistes pour réfléchir : questionner les pouvoirs de police du
maire et développer les outils de prévention.

 

RESPONSABILITÉS DES COLLECTIVITÉS ET DES ÉLUS 

Je vais vous livrer des pistes de réflexion sur les responsabilités des collectivités et les moyens d’action dont elles disposent en matière de lutte contre les pollutions. Aujourd’hui, certains termes ont attiré mon attention, tout particulièrement les « revendications sanitaires » et la notion « d’acceptation du risque » qui pointent le fil conducteur de la protection de la santé. C’est le thème transversal pour aborder la question de la lutte contre les pollutions.

L’émergence de la notion de protection de la santé

LES DÉFINITIONS

Je me suis intéressée à la définition de la pollution qui a été donnée par la directive européenne du 2000/60/CE du 23 octobre 2000. C’est « l’introduction directe ou indirecte, par suite de l’activité humaine, de substances ou de chaleur dans l’air, l’eau ou le sol, susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou à la qualité des écosystèmes aquatiques ou des écosystèmes terrestres, qui entraînent des détériorations aux biens matériels, une détérioration ou une entrave à l’agrément de l’environnement ou à d’autres utilisations légitimes de ce dernier. »

La notion de « santé humaine » est également abordée dans :
> La Charte de l’Environnement
> La Constitution dont le préambule prévoit que « la Nation assure à tous la protection de sa santé ».

Cette notion est également présente dans :
> Le Code de l’environnement
> Le Code de la santé. Il prévoit que « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous les moyens disponibles au bénéfice de toutes personnes ». Certes cet article s’adresse à l’État et aux établissements de santé. Mais il peut s’adresser également aux collectivités qui doivent se fixer comme objectif d’assurer, par les moyens dont elles disposent, la protection de la santé.

L’environnement et la santé sont donc des notions transversales qui avancent côte à côte. Il s’agit d’envisager le thème de la lutte contre les pollutions industrielles sous le prisme de la santé des personnes touchées par ces pollutions.

UNE QUESTION DE SOCIÉTÉ

La prise de conscience de l’importance de la protection de la santé publique a été mise sur le devant de la scène par des scandales sanitaires. L’affaire dite du sang contaminé a mis en lumière l’idée de vulnérabilité de l’être humain aux risques sanitaires. Aujourd’hui ces risques incluent celui de la pollution.

La protection de la santé et du corps humain est devenue une question de société centrale. Le droit évoluant avec la société qu’il régit, les textes cités précédemment retracent cette évolution. Dans ces textes, on constate que c’est à l’État qu’il revient d’assurer cette protection.

Cependant, il est intéressant de noter qu’à l’échelon local, les préoccupations de protection de la santé se manifestent au sein de la notion de maintien de l’ordre public, qui est une des missions principales des maires. L’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales, dont l’objectif initial était de lutter contre les épidémies, inclut la police de l’hygiène et la salubrité publique. Aujourd’hui il faut concevoir la protection contre les pollutions comme un élément de maintien de l’ordre public au même titre que la sécurité. On peut même parler d’ordre public sanitaire.

LES CONTENTIEUX

Un rapport de la Cour des comptes sur les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air (2020) relève que : « le risque sanitaire s’accompagne d’un risque contentieux ».

Ce risque émerge effectivement à l’initiative de requérants voyant leur état de santé se dégrader en raison de la pollution ou du réchauffement climatique. Des actions sont menées pointant du doigt la responsabilité de l’État (par exemple, l’Affaire du siècle pour le climat), et pourraient évoluer vers une prise en considération d’une responsabilité des collectivités.

Ainsi, on peut répertorier des contentieux portant sur la qualité de l’air en période de pic de pollution. Ils visent à titre principal l’État et également les collectivités (exemple – CAA Lyon 29 novembre 2021 n°19LY 04397). À ce jour, aucune condamnation n’a été prononcée contre une collectivité. Mais c’est une évolution à laquelle il convient de rester attentif dès lors que le juge administratif retient de façon novatrice la faute de l’État.

La responsabilité d’une personne publique ne peut être engagée que s’il est établi un lien de causalité entre une faute et un préjudice. Il est intéressant de relever que, retenant la faute de l’État, le juge administratif ordonne une expertise médicale afin de définir l’étendue du préjudice de la victime et le lien de causalité entre l’état de santé de la victime et la faute relevée.

Sur la base de ces exemples contentieux, il paraît indispensable que vous réfléchissiez aux actions à mettre en œuvre pour élaborer une politique de santé publique et, par conséquent, transposer la méthodologie propre à la veille sanitaire. Cette méthodologie consiste à opérer un contrôle et une vigilance à l’égard du risque sanitaire lié aux pollutions.

Le rôle des collectivités : les pistes pour réfléchir

Le rôle de l’État est prépondérant pour élaborer cette politique de santé publique en matière de prévention contre les pollutions (air, eau et sols). Cette politique se décline par le biais notamment d’une planification. Pour autant, à l’échelon local, rien n’interdit une réflexion en partant d’un état des lieux des moyens dont disposent les collectivités pour y participer. On peut envisager le rôle des collectivités sous deux angles : un rôle actif par le biais des pouvoirs de police et un rôle de prévention.

LA MISE EN ŒUVRE DES POUVOIRS DE POLICE

L’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales fait référence à la trilogie sécurité, salubrité, tranquillité mais aussi « aux fléaux calamiteux » tels que les catastrophes naturelles ou industrielles, les épidémies, mais aussi les pollutions. Il donne au maire des pouvoirs propres en matière de police qui peuvent donc s’appliquer dans certains cas à la pollution. C’est un fondement pour disposer de moyens d’action.

Pour mémoire, l’État dispose de la compétence spéciale relative à la lutte contre les pollutions. Mais, en cas de carence des services de l’État, le maire peut intervenir s’il y a urgence ou péril imminent et, par exemple, en cas de pollutions des cours d’eau. À ce titre, la jurisprudence relative à la réglementation de l’utilisation du glyphosate constitue une piste de réflexion. Elle montre les limites des pouvoirs de police propre du maire lorsque l’État dispose de la compétence spéciale. En effet, des maires ont souhaité restreindre l’utilisation du glyphosate sur leurs territoires alors que cette police relève des pouvoirs de l’État. Il existe une concurrence qui peut naître entre les intérêts de l’État et des collectivités. Dans ce cas-là, l’État ayant agi, les tribunaux ont considéré qu’il n’y avait pas de carence de l’État et ont annulé les arrêtés restreignant l’usage de ces produits.

À l’échelon intercommunal, des compétences spécifiques peuvent être répertoriées, les déchets, les transports, encore l’urbanisme qui permettent d’asseoir un rôle actif dans la lutte contre les pollutions. En matière d’urbanisme, l’idée est de réduire l’exposition et les constructions par la planification par exemple. La question de la salubrité peut être également abordée sous l’angle de l’hygiène en ce qui concerne la restauration, les habitations.

Ce travail de recensement des domaines de compétence permet d’établir un panel d’actions possibles pour les collectivités.

UN RÔLE DE PRÉVENTION

Ce rôle demande à être affiné en partant de ce qui existe et/ou en élaborant de nouveaux moyens de prévention. Par exemple, dans les communes, par le biais des CCAS (centres communaux d’action sociale), il existe des registres d’analyse des besoins sociaux. Ne pourrait-on pas, en faisant l’analyse de ces besoins, répertorier les pathologies ? Les problèmes rencontrés ? La proximité avec les industries ? Ces bases de données sont accessibles aux collectivités. Des initiatives peuvent être prises pour les exploiter dans un but de prévention des atteintes à la santé par les pollutions diverses.

Les collectivités ont, en cas d’urgence sanitaire, l’obligation de faire remonter les informations aux agences régionales de santé. Cela aussi pourrait être un autre point de réflexion. L’état de santé des populations est un indicateur.

 

CONCLUSION

>> La prise de conscience du risque sanitaire existe dans la société.
>> La santé est aujourd’hui érigée en valeur supérieure.
>> Les habitants viennent vous voir quand ils ont des problèmes de santé qu’ils estiment être en lien avec la pollution.
>> Les collectivités ont peu de pouvoirs et peu de responsabilités. Mais, elles sont les interlocutrices principales des habitants.
>> Le juge administratif s’est déjà saisi de cette question et ordonne des expertises médicales.

Il convient d’anticiper sur ce mouvement. C’est dans le lien de proximité que se joue la prise en compte des problèmes. Une action de prévention, d’information peut écarter des contentieux inutiles. Investir dans des actions de prévention ou de recherche, comme celles évoquées ce matin, peut permettre d’intégrer les préoccupations sanitaires des administrés. On a pu parler de défiance du public dans le cadre de nos échanges. Cette défiance peut se répercuter sur les collectivités si elles ne prennent pas la mesure des problèmes des habitants. La réflexion doit se porter sur une réappropriation des pouvoirs de police pour appréhender ce qui pourrait être fait, les compétences à mobiliser ou à développer pour prendre des mesures de prévention.


01/10/25

Des pressions citoyennes toujours plus fortes

 

CE QU’IL FAUT RETENIR

>> Les collectivités locales font face à des pressions croissantes de la part des habitants, plus préoccupés que par le passé, par les effets des installations sur leur santé.

>> L’évolution des attentes remet en question des pratiques industrielles autrefois acceptées.

>> En l’absence de réponses satisfaisantes, la population s’organise en collectifs et associations pour revendiquer une meilleure qualité de l’environnement et une surveillance accrue des pollutions. Les mobilisations ne sont plus le seul fait d’associations de défense de la nature.

>> Le déni des perceptions citoyennes, la contestation des données produites par les habitants et l’absence de réponses aux questions entraînent une méfiance croissante envers les autorités publiques, les industriels et les experts, fragilisant la crédibilité des élus

1. Des habitants de plus en plus inquiets pour leur santé

La préoccupation des habitants pour leur santé est une constante, mais la sensibilité est aujourd’hui plus grande. Les habitants ont toujours posé plus de questions sur les effets des pollutions que sur les risques accidentels. Ils se soucient en priorité des impacts actuels ou passés des installations industrielles, sur leur santé ou celle de leurs enfants.
Durant les trois années d’échange, la thématique des mobilisations citoyennes a été omniprésente dans les prises de parole des collectivités. Ces dernières s’accordent sur leur multiplication et sur l’évolution des attentes. En effet, une plus grande sensibilité s’exprime notamment vis à vis d’usages ou de pratiques industrielles autrefois admis, mais qui sont aujourd’hui remis en question. L’exemple des torchages est symptomatique de ces interrogations nouvelles.

Les torchages sont présentés comme un élément de sécurité des sites qui permet aux industriels, en cas de dysfonctionnement, de brûler des excédents de gaz. De tels épisodes peuvent durer plusieurs jours et sont très perceptibles dans l’environnement : flamme, panache de fumée, bruit. Cette pratique à laquelle les riverains des raffineries sont habitués, est aujourd’hui de plus en plus questionnée et contestée.

2. En l’absence de réponse, la population s’organise

Les riverains des zones industrielles et, plus généralement, des territoires exposés aux pollutions issues des activités humaines, ne veulent plus subir leur situation : ils s’engagent et s’organisent pour agir sur leurs conditions de vie. Ainsi les mobilisations ne sont plus le seul fait des associations de défense de la nature. Des collectifs ou des associations de riverains portent désormais des revendications en matière de qualité de l’environnement et de surveillance des pollutions.

Pour alerter les acteurs publics et être entendus, non seulement les riverains multiplient les interpellations, mais ils s’engagent également dans la production de connaissances. Certains collectifs ont ainsi mobilisé des acteurs de la recherche pour réaliser des études et accompagner leurs démarches.

Lorsque les perceptions des habitants sont niées, lorsque les données citoyennes sont contestées et que les questions n’obtiennent pas de réponses, la situation conduit invariablement à accroître la défiance à l’égard de la puissance publique, des industriels et des experts. Les habitants attendent des élus qu’ils répondent et qu’ils agissent. S’ils ne le font pas ou s’ils ne sont pas en mesure de le faire, la défiance peut se répercuter sur la collectivité et remettre en cause la crédibilité des élus.

 


01/10/25

« Il n’existe pas de réglementation spécifique sur la pollution des sols »

 

Parole d’experte / sols

Journée de lancement du programme Collectivités et Pollutions industrielles, 22/01/2022, Lyon.

 

EN RÉSUMÉ 

>> Tous les types de contamination des sols (diffus ou ponctuels) pourront avoir un impact sur la biosphère et directement ou indirectement, avoir un effet sur la santé humaine.

>> À la différence de l’eau ou de l’atmosphère, il n’existe pas de réglementation spécifique sur les sols pollués, mais des processus de gestion complexe visant à réduire le risque d’exposition aux contaminants.

>> Il est nécessaire d’améliorer la mesure de la qualité atmosphérique
pour l’adapter aussi aux besoins des décideurs.

>> Les actions de réhabilitation/remédiation sont onéreuses et peu compatibles avec les moyens limités des collectivités.

 

SOLS POLLUES : DIFFICULTÉS D’AMÉNAGEMENT ET SOURCES DE CONTAMINATION

Les sites et sols pollués concernent la plupart des collectivités

Le territoire français porte un héritage de près de 200 ans d’activités industrielles et minières. Dans un contexte de désindustrialisation, ces 50 dernières années ont connu l’arrêt de nombreuses exploitations, ce qui explique en partie les quelques 250 000 sites potentiellement pollués répertoriés au sein de la base de données BASIAS (anciens sites industriels et activités de service). Dans le même temps, l’urbanisation croissante a provoqué l’augmentation des pressions démographiques et foncières.

La conjugaison de ces deux phénomènes a créé des enjeux particulièrement forts sur la reconversion des friches industrielles en milieu urbain. L’Ile-de-France, la vallée du Rhône, la région marseillaise ou le Nord de la France sont particulièrement marqués par ces situations.

Pour se développer, tout en respectant les objectifs de préservation de l’environnement (zéro artificialisation des terres, etc.), les collectivités devront tôt ou tard réhabiliter ces sols dégradés pour réaliser leurs projets dans les meilleures conditions sanitaires.

Un risque pour l’environnement et la santé

La dégradation des sols, qui est la diminution ou la disparition de leurs capacités à remplir une ou plusieurs fonctions, est avant tout due à leurs contaminations chimiques. Ces contaminations sont classées selon deux grands types :
> Les contaminations diffuses, considérées comme peu intenses et généralisées, dues aux dépôts atmosphériques, aux traitements agricoles, à l’irrigation, aux dépôts de sédiments ou des sources plus naturelles comme des incendies de forêt.
> Les contaminations ponctuelles, qui sont des sources de contamination élevées et très localisées, causées par les sites industriels et miniers, les décharges, les stockages de produits toxiques et les rejets d’effluents.

Quel que soit le type de contamination, les polluants du sol peuvent avoir un impact sur l’ensemble de la biosphère par effet de transfert, et engendrent ainsi des risques environnementaux et sanitaires. On distingue :
> Les contaminants organiques : hydrocarbures, solvants, chlorés, fluorés dioxines, polychlorobiphényles (PC B), composés azotés, etc. Certains d’entre eux sont exclusivement d’origine humaine (PCB, dérivés bromés). La plupart est considérée comme biodégradable. Leur toxicité dépendra non seulement de leur concentration dans le sol, mais aussi de la capacité de rétention dans le sol et de leur persistance.
>Les polluants inorganiques :  métaux et métalloïdes. Ils sont souvent d’origine naturelle, mais les apports et enrichissements de surface les plus importants sont d’origine humaine. Ils ne sont pas biodégradables, et présentent une grande stabilité. Ils sont facilement mobilisables dans les sols, et vont donc interagir avec les constituants du sol. Leur toxicité, là encore, dépendra non seulement de leur concentration, mais aussi de leur forme et spéciation chimiques dans le sol.

Les principaux contaminants présents dans les sites et sols pollués (SSP) sont en majorité des hydrocarbures (33 % des SSP concernés), auxquels il faut ajouter les hydrocarbures chlorés (17 % des SSP) et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (15 % des SSP). Les métaux sont également largement présents (25 % des SSP).

Ces types de pollution créent un risque pour l’environnement et la santé des habitants. La gestion des sites pollués et la préservation des sols représentent donc un enjeu sociétal majeur.

Pourquoi parle-t-on de gestion des sites et sols pollués ?

Le problème de la contamination des sols se traite de façon particulière, comparé à d’autres milieux. Contrairement à l’atmosphère, qui est un milieu fluide et sans mémoire, le sol conserve – voire accumule – les polluants fixés aux éléments de la terre. On parle de milieu intégrateur. Un sol contaminé peut donc le rester longtemps, même si la source de polluants est supprimée, et constituer un risque pour les usagers et les riverains.

Pour résoudre ces situations, il faut connaître précisément l’état du milieu et décider de son devenir. C’est la raison pour laquelle on parle de « gestion » des sites et sols pollués. Ainsi, en fonction des contextes et des intensités de contamination, on pourra interdire de construire des habitations ou des écoles, ou on réduira les possibilités d’exposition en stabilisant la surface et en destinant le sol à un usage commercial (parkings, magasins).

Enfin, on pourra choisir d’éliminer tout ou partie de la pollution par des actions de réhabilitation et de remédiation. On est donc bien dans un cadre de gestion : le risque est modulé en fonction des contextes et des usages.

C’est cette notion de gestion qui donne au sol pollué toute sa complexité, car de nombreux facteurs interviennent dans l’évaluation du risque associé à sa contamination : le type et la teneur en polluants, leur capacité à migrer dans d’autres milieux, etc. De plus, un sol peut être contaminé par sa roche mère, et contenir ainsi des teneurs naturelles en polluants. Un haut niveau de « polluants » dans un sol peut s’expliquer et se traduire de différentes manières.

Une réglementation largement insuffisante pour résoudre les situations

La gestion des sites et sols pollués s’appuie sur une réglementation qui a évolué depuis une trentaine d’années, dans le sens d’une meilleure prise en compte de la connaissance des inventaires dans les études réalisées et lors de l’instruction des permis de construire.

Les sites et sols pollués s’inscrivent dans le cadre réglementaire relatif aux déchets et aux ICPE. Ils dépendent également de la loi Barnier et de la mise en application du principe pollueur-payeur. La connaissance a, par ailleurs, progressé avec la loi  ALUR (2014). Cette loi a institué les secteurs d’information sur les sols (SIS ), permettant ainsi de lister les différents sites et sols pollués et de territorialiser les inventaires.

Au niveau européen, il est question d’une directive cadre depuis plus de 15 ans. Après plusieurs échecs, elle est de nouveau proposée aujourd’hui, avec des objectifs de protection et de restauration des sols visant zéro pollution avant 2050. Ces objectifs demeurent flous et difficiles à tenir. Mais il n’existe pas de réglementation spécifique sur la pollution des sols, ni de valeurs « seuil » pour déclarer si un sol est contaminé ou non. Pour pouvoir déterminer une contamination, on se base sur un niveau de fond (aussi nommé « bruit de fond »), qui consiste à connaître la teneur en polluants sur les sols avoisinants et à les comparer à celle du sol étudié. Il est variable en fonction des situations et des méthodes employées pour le déterminer, et implique des opérations rigoureuses et coûteuses.

Une méthodologie de gestion complexe à mettre en œuvre

La méthodologie vise à maîtriser les sources et les impacts, puis à définir des objectifs de réhabilitation. Elle repose sur 3 principes :
> La détermination de la source de pollution primaire et secondaire : types de polluants, spéciation chimique, interférence avec le sol, etc.
>La définition des voies de transfert (cours d’eau, nappes souterraines, envols de poussière dans l’atmosphère, transfert par la biomasse végétale ou animale).
> La connaissance des cibles, des impacts environnementaux et sanitaires.

Sa mise en œuvre est complexe car elle comporte différentes étapes de définition, de validation du choix du site et de suivi des travaux, accompagnées d’enquêtes publiques, etc. Par ailleurs, elle implique de très nombreux acteurs des territoires : les services de l’État, les collectivités, l’exploitant.

Enfin, la connaissance des sites et sols pollués est très peu développée en France, ce qui ajoute à la difficulté de mise en œuvre de la méthodologie de gestion par les collectivités. Sur les 250 000 sites répertoriés en France, seuls moins de 20 000 sont recensés au sein de la base de données BASOL (sites et sols pollués ou potentiellement pollués). Un important travail reste encore à faire pour caractériser l’ensemble des sites potentiellement pollués et obtenir des informations précises et pertinentes.

 

CONCLUSION

La gestion des sites et sols pollués repose sur la connaissance que l’on peut avoir des contaminants, des sources et des transferts. La méthodologie de gestion est complexe à mettre en œuvre, tant sur le plan scientifique qu’administratif, et nécessite de disposer d’une expertise pointue dont les collectivités sont en général dépourvues.

La connaissance disponible est à la fois parcellaire et difficile d’accès. L’inventaire des sites et sols pollués, leur cartographie et leur caractérisation sont incomplets. À cela s’ajoute la difficulté d’accès à l’information et le manque d’expertise publique. La gestion des sites et sols pollués pose également (et surtout) des problèmes de financement, car les actions de réhabilitation sont onéreuses et peu compatibles avec les moyens limités des collectivités.

De nombreux points techniques sont encore à développer.

>> Les outils utilisés, pour connaître les sources de contamination et les interactions multiples qui régissent les sols, sont inadaptés à la complexité de ce milieu. Cela explique la difficulté de prendre en compte l’ensemble des composantes du milieu pour évaluer les impacts environnementaux et sanitaires des contaminations, ou la toxicité des cocktails de polluants et de leurs mécanismes d’action.

>> On rencontre également des difficultés dans la définition de critères ou d’indices d’évaluation communs aux sites et sols pollués pour qualifier l’état des sols ou leur niveau de dégradation, pour caractériser les risques cumulés environnementaux et sanitaires, ou pour contribuer à évaluer le niveau de vulnérabilité des territoires.

>> Il est nécessaire d’améliorer et d’uniformiser les méthodes et les outils de diagnostic, en faisant évoluer la réglementation actuelle, centrée sur les moyens, vers une réglementation d’objectifs. Il est nécessaire de disposer de référentiels communs pour les polluants métalliques et organiques et de définir des critères d’évaluation communs.

>> Enfin, il manque un échelon entre les collectivités et la recherche, avec des organismes dédiés afin de répondre aux contextes spécifiques locaux. Il faudrait créer des structures telles que les AASQA, pour permettre un développement de connaissances adaptées aux enjeux des territoires.