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23/09/24

Trois questions à Ghislaine Verrhiest-Leblanc

Directrice générale de l’AFPCNT

 

« Les progrès sont réels mais il ne faut pas baisser la garde. »

 

 

Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles et Technologiques est l’un des acteurs clés de la prévention des risques en France. De ce fait, son projet associatif pour le développement de la culture du risque et la résilience face aux risques majeurs est soutenu par l’État, notamment pour organiser et coordonner les actions de sensibilisation de la population aux risques industriels.  

 

Pour les Rendez-vous Majeurs, l’AFPCNT est également co-pilote de l’atelier Culture du risque et co-organisateur de l’Agora des partenaires. C’est à ce titre que nous avons souhaité interroger sa directrice générale, Ghislaine Verrhiest-Leblanc, sur les enjeux de cette rencontre.

 

RDVM24 : Depuis plus de 20 ans, les gestionnaires des risques cherchent à développer une culture des risques chez les riverains des sites Seveso. Or, on ne peut que constater que cela ne prend pas. Pourquoi selon vous ?

Ghislaine Verrhiest-Leblanc : Je serai moins radicale que vous dans le constat même si la culture des risques industriels en France reste perfectible.
Les progrès sont réels mais il ne faut pas baisser la garde. Ils reposent sur une culture du risque croissante, des préoccupations grandissantes dans le domaine de l’environnement et sur une volonté marquée d’engagement de l’ensemble des parties prenantes des territoires : citoyens, collectivité, acteurs industriels, État…
Ces progrès témoignent également d’une posture d’ouverture et d’écoute des acteurs institutionnels, d’une évolution des modèles de prise de décision et du développement de dispositifs permettant l’intégration citoyenne. Les mutations dans ce domaine doivent également se poursuivre.

Il est enfin évident que les bouleversements climatiques – mettant en exergue les risques météorologiques, les crises sanitaires et économiques, ainsi que les évolutions sociétales – et une certaine perte de confiance voire défiance des populations envers les autorités – ont profondément modifié la perception des risques et le rapport à la prévention des risques par les citoyens.
Au cours des vingt dernières années, la perception des risques industriels a, dans ce contexte, radicalement changé. Lorsqu’on interroge la population sur les dangers perçus au quotidien, la catastrophe industrielle n’est que peu mentionnée, tandis que le risque pour la santé devient une préoccupation de premier ordre. 
Les citoyens craignent aujourd’hui bien moins l’explosion de l’usine que la détérioration de l’environnement, pour soi, ses proches et son territoire. Le danger n’est plus perçu comme brutal et ponctuel, mais présent au quotidien.

 

RDVM#24 : Les méthodes et outils déployés depuis plusieurs décennies pour forger une culture des risques naturels sont-ils transposables aux risques industriels ? Existe-t-il des spécificités à prendre en compte pour les risques industriels?

Ghislaine Verrhiest-Leblanc : Les démarches utilisées ces 20 dernières années pour sensibiliser les populations aux risques naturels peuvent être source d’inspiration. Les risques industriels présentent bien évidemment une spécificité par rapport aux risques naturels : la source est connue et gérée par un exploitant, le lien économique et social avec l’activité génératrice du risque est souvent fort au sein des populations avoisinantes, les phénomènes et les effets (thermiques, toxiques de surpression) de formes différentes que celles associés aux événements naturels.
Cependant l’esprit, les principales composantes et certains fondamentaux de la prévention restent les mêmes : connaissance des risques et des moyens d’actions, culture du risque, mémoire et retour d’expérience, construction et aménagement du territoire, préparation à la crise, relèvement post-catastrophe… Des outils et des messages communs peuvent ainsi permettre de sensibiliser et de préparer les populations à faire face aux risques majeurs, qu’ils soient naturels ou technologiques. 

Les crises sont par ailleurs de plus en plus multiformes et complexes, un risque en entraînant un autre. La dimension « natech » (l’impact qu’une catastrophe naturelle peut engendrer sur tout ou partie d’une installation industrielle) devient source de préoccupation croissante tant chez les professionnels qu’au sein des populations voisines d’un site industriel.
Enfin, le retour d’expérience relatif à la performance des actions de développement de la culture des risques naturels peut être facilement transposé et utile. A titre d’exemples, l’expérience sur les risques naturels témoigne de conditions de réussite et d’impact clés telles que le travail pluridisciplinaire alliant dimensions techniques et humaines, la mobilisation de l’émotionnel, les mises en situation et l’expérience du vécu, l’utilisation des nouvelles technologiques et la multiplicité des formats, la territorialisation, la personnalisation et les processus d’identification, la communication positive et engageante. 

 

RDVM#24 : Lors des RDVM, vous co-pilotez la session sur la culture des RI. Vous avez souhaité que les échanges soient organisés sous forme d’atelier. Pourquoi cette forme ? Qu’en attendez-vous ?

Ghislaine Verrhiest-Leblanc : L’AFPCNT et AMARIS ont choisi de co-organiser la session sur la culture des risques industriels sous forme d’atelier afin de co-construire des pistes de travail pour demain. Les retours d’expérience et les évaluations des actions de développement de la culture du risque sont finalement assez récents. Nous avons encore beaucoup à apprendre de l’écoute des citoyens et des acteurs locaux ainsi que du partage des pratiques mises en place ici ou là. Si nous savons que certains formats fonctionnent plus que d’autres, nous n’avons pas à ce jour de solutions performantes sur étagères à transposer sur l’ensemble du territoire.

Le format de l’atelier se prête ainsi parfaitement au travail d’écoute, de réflexion, de prospection indispensable dans ce domaine de la culture du risque. Il sera une formidable opportunité et une source d’enrichissement (opérationnel, relationnel, technique…) afin de progresser ensemble pour la mobilisation citoyenne face aux risques industriels. Nous espérons que cet atelier nous permettra d’esquisser une feuille de route commune nourrie des avis, des regards critiques, des suggestions formulées.

 


05/09/24

Les Nez Normands, une idée qui a eu du flair !

 

Il y a maintenant plus de 25 ans, Atmo Normandie, un réseau de surveillance de la qualité de l’air en Basse et Haute-Normandie, créait les Nez Normands, un réseau de citoyens bénévoles formés à l’analyse olfactive de l’air. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises du territoire se sont emparées de cet outil et plusieurs régions françaises s’y intéressent de près. Retour sur une démarche sensible, impliquante et bougrement efficace, qui œuvre à développer une culture des risques, sans en avoir l’air.

 

Tout s’accélère avec la loi de 1996, qui inclut les nuisances olfactives excessives dans la définition de la pollution de l’air. Sur le papier, il devient désormais possible d’agir sur les odeurs produites par l’industrie ou l’agriculture. Mais encore faut-il être en mesure de les identifier, de les qualifier, de les quantifier… Et ce, partout où elles peuvent survenir. La tâche semblait d’autant plus difficile que, de nos cinq sens, l’odorat est l’un des moins enseigné et analysé, et notre perception des odeurs repose souvent sur des émotions ou des souvenirs, brefs, des données subjectives. Or, pour dialoguer avec des scientifiques ou des industriels, il faut des informations précises et donc un langage commun. 

 

Mettre des mots sur des odeurs

Pour développer cette compétence, Atmo Normandie s’appuie sur le Langage des Nez©, un protocole servant à décrypter des émissions odorantes, à la source ou dans l’environnement. Il s’agit d’un apprentissage qui permet de décrire tout type d’odeurs perçues par le nez, à travers un langage commun et pouvant donc être partagé. Une description précise, objective et répétable entre individus devient possible. Atmo Normandie propose ainsi des formations scientifiques de plusieurs dizaines d’heures, à des bénévoles citoyens devenus experts, et même lanceurs d’alertes. 

 

Un moyen d’agir sur son cadre de vie

En parallèle de ces formations, la plateforme SignalAir permet aux Nez Citoyens de faire part de leurs observations. Plus de 3 000 signalements d’odeurs ont ainsi été collectés en 2023, des informations recoupées et remontées rapidement aux industriels de la zone. Comme l’explique Véronique Delmas, directrice d’Atmo Normandie, “en collaborant directement avec les habitants, qui sont les mieux placés pour identifier les odeurs gênantes, nous pouvons objectiver ces odeurs en termes d’intensité et de type, et établir un lien avec les processus industriels. Les exploitants peuvent ensuite identifier les zones nécessitant des améliorations et de suivre objectivement l’impact de leurs actions.” Pour les habitants, c’est aussi la possibilité d’être acteur de sa sécurité et de bien-être au quotidien. Et ce, sans autre matériel que son nez !

 

Une méthode en pleine croissance

Très vite, de nombreux industriels ont perçu l’intérêt de ce protocole et ont souhaité former certains de leurs salariés, devenant eux-mêmes des sentinelles pour faire face à d’éventuelles émanations. Par ailleurs, “grâce à ce langage commun, le Langage des Nez, citoyens et industriels dialoguent, se comprennent et coopèrent pour améliorer leur cadre de vie commun. Cette approche coordonnée est unique au monde par sa dimension et sa durée.” Et elle fait clairement des émules. En effet, de nombreuses régions et associations de surveillance de l’air s’intéressent désormais de près au Langage des Nez et développent cette démarche sur leur territoire.

 

Avec plus de 25 ans d’existence, et toujours plus d’actions menées, la démarche des Nez Normands a prouvé son efficacité que le terrain de la surveillance et de la prévention. Elle dénote également d’une nouvelle prise en compte des risques : par l’implication directe des citoyens, via des protocoles scientifiques mais finalement assez simples, elle permet à chacun de se sentir concerné et engagé.

 


12/06/24

Retour sur les débats des Rendez-vous Majeurs 2021

Lors de la première édition des Rendez-vous Majeurs, en mai 2021, nous avions déjà abordé les enjeux et problématiques liés à la culture des risques.

Nous avions alors proposé :
Les habitants face à la crise : une réalité oubliée ?
Une conférence de Karine Weiss, Professeur en Psychologie sociale et environnementale à l’Université de Nîmes ;
Information, concertation : les outils réglementaires sont-ils condamnés à être inefficaces ?
Un débat avec Karine Weiss, Philippe Chamaret, directeur de l’Institut Écocitoyen, Emmanuel Martinais, chercheur à l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE), Maryline Simoné, Inspectrice générale de l’administration Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD).

Les vidéos de ces deux moments forts sont disponibles ICI.