Des collectivités sans repère

30/09/25

Les territoires accueillant ou ayant accueilli des sites industriels sont marqués par la présence de pollutions industrielles qui peuvent impacter la santé et l’environnement. Alors que ces sujets ne sont a priori pas de leur ressort, les collectivités se retrouvent de fait impliquées. Elles se retrouvent alors confrontées à un sujet technique sur lequel il est difficile d’accéder aux données environnementales et sanitaires, de trouver des interlocuteurs et des espaces d’échanges adaptés.

 

CE QU’IL FAUT RETENIR

>> Les collectivités manquent d’expertise sur les questions environnementales et sanitaires. La technicité du sujet les met à distance. Dès lors, elles s’en remettent aux services de l’État, bureaux d’études, experts.

>> Les données existantes sont décrites par les collectivités comme éparses, non exhaustives et peu précises, difficilement consultables, ou inadaptées pour répondre aux questions citoyennes.

>> L’absence d’interlocuteurs et de lieux d’échanges, et plus largement le manque de dialogue entre les acteurs, sont cités unanimement par les élus ayant été confrontés à des problèmes de pollution.

>>  Aucune collectivité ne dispose d’une vision globale de l’exposition et des risques potentiels pour la population.

1. Des élus démunis

Les maires et les élus locaux sont les interlocuteurs directs des habitants bien avant l’État ou les agences dédiées, même si, en première approche, ils ont peu de pouvoirs sur les questions environnementales et sanitaires. Les maires ont néanmoins une responsabilité de par leur compétence de pouvoirs de police générale.

Ayant peu de prérogatives, les élus sont rares à avoir acquis une expertise et sont dans leur grande majorité démunis. Ils s’en remettent principalement aux services de l’État qui ont établi un lien expert privilégié avec les exploitants dans le cadre de leurs missions d’inspection des installations classées.

La technicité du sujet met à distance les collectivités. Les élus et agents des collectivités confirment ne pas disposer de l’expertise nécessaire pour aborder le sujet des pollutions. Si dans les intercommunalités, il peut y avoir un agent chargé notamment de la pollution atmosphérique (en lien avec l’obligation de mettre en place un plan climat-air-énergie territorial pour les EPCI de plus de 20 000 habitants), les communes de petite taille sont démunies et les élus se retrouvent parfois les seuls à suivre des dossiers qui les dépassent.
Enfin, il ressort que les questions liées aux pollutions industrielles sont rarement abordées dans le cadre de lieux d’échanges existants. Les commissions de suivi de site (CSS), obligatoires autour des sites Seveso seuil haut, ne traitent pas spécifiquement des rejets des industriels et de leurs impacts sanitaires et environnementaux et sont le plus souvent de simples canaux d’informations descendantes. Elles ne répondent pas, en temps réel, au besoin d’information et d’échanges. Dans certains cas, les CSS apportent des informations sur les incidents de l’année. 

De nombreuses collectivités découvrent le sujet à l’occasion d’une crise sur leur territoire ou à la faveur de questionnements de la part des citoyens.

2. Des difficultés pour identifier leurs interlocuteurs

De nombreuses collectivités ont fait part des difficultés rencontrées pour mobiliser le bon interlocuteur (que ce soit au niveau de l’État mais également au niveau de l’exploitant), lorsqu’elles sont confrontées à un problème de pollution sur leur territoire. Les collectivités n’ont pas toujours d’interlocuteurs pour les accompagner sur l’expertise, la connaissance et la recherche de solutions. L’organisation des services de l’État n’est pas homogène à l’échelle du territoire national. En fonction des régions, certains services sont très présents sur les sujets de santé environnementale ou totalement absents. Ceci complexifie grandement l’action des collectivités.

Dans certains cas, des collectivités nuancent ces propos en décrivant l’appui et les actions conduites par les AASQA (associations agréées de surveillance de la qualité de l’air). Le rôle des secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles (SPPPI) et notamment le dispositif Réponse piloté par le SPPPI PACA, a également été mentionné.

3. Des données environnementales et sanitaires difficiles d’accès

Les collectivités évoquent régulièrement les difficultés qu’elles rencontrent pour accéder aux données environnementales et sanitaires. Pour certains compartiments de l’environnement comme l’air, l’accès ou la disponibilité de la donnée relève d’une véritable gageure. Pour les unes, alors que tous les rapports sont numérisés, ils doivent parfois être consultés en format papier et ce, longtemps après avoir formulé la demande.
Pour d’autres, la difficulté réside dans l’impossibilité de se repérer et de trouver l’information recherchée à partir des différentes bases de données publiques. En effet, elles ne font pas l’objet d’une architecture lisible, ce qui ne facilite pas leur mobilisation. Certaines ont un fonctionnement trop complexe pour un public non initié.

4. Une méconnaissance des risques encourus par la population

En posant la question simple de savoir s’il est possible de décrire l’état environnemental et sanitaire de leur territoire, de nombreuses collectivités associées au programme ne sont pas en capacité de répondre de manière claire et factuelle. Les collectivités ne disposent pas d’une vision globale de l’exposition et des risques potentiels encourus par la population exposée aux contaminations des différents milieux que sont l’eau, l’air et les sols. Certaines collectivités ne se sont tout simplement jamais posées la question. D’autres sont ponctuellement confrontées à une situation de pollution pour laquelle des études ou suivis ont été prescrits par les services de l’État, mais sans savoir réellement si les dispositifs mis en place sont utiles.

Les informations accessibles sont hétérogènes et disparates ce qui complexifie la prise en main de ce sujet. Par ailleurs, elles ne permettent pas de répondre aux questions formulées par les habitants. Alors que ces derniers interrogent les collectivités sur les impacts des pollutions sur leur santé, les données accessibles rendent compte de concentrations de polluants mesurés à certains moments, dans l’eau, dans l’air ou dans les sols. Ces données ne renseignent pas les effets sur leur santé. Fréquemment les collectivités se tournent vers les agences de l’État et demandent la réalisation d’une étude épidémiologique alors que les méthodologies et les finalités ne sont pas toujours adaptées aux questions qui se posent sur le terrain.

Les collectivités sont de plus en plus confrontées à des associations et riverains ayant un niveau d’expertise suffisant pour formuler des questions pointues et interroger les parties-prenantes sur des aspects non pris en compte dans les suivis réglementaires.