Un an après Lubrizol – Tribune d’Yves Blein

24/09/20

Force est de constater qu’en un an, la réflexion n’a guère évolué pour proposer une méthode qui implique davantage les riverains face au risque.

L’accident de Lubrizol a suscité nombre d’enquêtes et de rapports, d’auditions, d’expertises … toutes ne sont d’ailleurs pas terminées ! Alors que tous – industriels, collectivités, Etat – s’accordaient à dire que la France négligeait la nécessaire « culture du risque » que devraient développer les riverains des entreprises classées, qu’en est-il aujourd’hui, un an après Lubrizol, 19 ans après AZF, 54 ans après Feyzin !? Pas très loin à vrai dire sur ce sujet-là.

Les dysfonctionnements, révélés par l’accident de Lubrizol, ont appelé de la part de l’État le renforcement des dispositions réglementaires et l’accroissement des effectifs du corps des inspecteurs des installations classées. C’est une bonne chose mais d’une certaine façon, c’est le plus simple à faire. Chaque accident doit permettre de tirer des enseignements qui fassent progresser la réglementation … mais quid de « la culture du risque » ?

Les systèmes d’alerte vont – enfin – être modernisés … il est vrai que ceux dont on dispose aujourd’hui datent de la seconde guerre mondiale et ne sont efficaces ni pour les riverains, et moins encore pour ceux qui transitent aux abords d’un site et qui peuvent évidemment demain être directement concernés par un accident. Le cell broadcast permettra selon nous de répondre à la nécessité d’alerter efficacement et précisément la population riveraine d’un site sur lequel viendrait à se produire un accident. Ça serait un progrès, mais là encore ce n’est pas l’outil qui préparera la population – parce qu’elle connaît le risque encouru – à adopter le bon comportement, la bonne attitude … c’est-à-dire à disposer de cette « culture du risque », de sa connaissance, si nécessaires aux bons gestes et aux bons réflexes.

Force est de constater qu’en un an, la réflexion n’a guère évolué pour proposer une méthode qui implique davantage les riverains face au risque. Pourtant, il est indispensable d’ancrer durablement chez ceux-ci une véritable culture de la sécurité afin de renforcer leur protection. Il ne suffira jamais d’inscrire dans la loi et les règlements des obligations de participation à des réunions ou la distribution de prospectus. Le dysfonctionnement patent, de la plupart des comités de suivi de site, est en ce sens révélateur de l’échec des mesures jusque-là préconisées en la matière.

Le « terrain » fourmille d’initiatives riches. Parmi les adhérents de l’association AMARIS, nous constatons que certaines initiatives déployées sur leur territoire fonctionnent bien : l’implication des riverains dans la mise en œuvre du PPRT à Gonfreville-l’Orcher, la conférence riveraine à Feyzin ou encore la sensibilisation des entreprises riveraines à Port-Jérôme par l’action d’une association animée par la collectivité, etc. Ces initiatives restent pourtant des cas isolés sur lesquels on ne capitalise pas. Pourquoi ne pas faire confiance pour cela aux acteurs locaux ? Leur déléguer et reconnaître ce qu’ils font ? En assurer la modélisation et la transférabilité ? et considérer que la proximité est d’abord un atout alors qu’elle est trop souvent considérée comme un obstacle !

Yves Blein, président d’AMARIS et député du Rhône