Procédure PPRT : les conclusions du projet Interprète

12/02/13

AMARIS et l’INERIS ont réalisé, tout au long de l’année 2012, une série d’entretiens afin de regarder à la loupe les processus participatifs tels que vécus par les collectivités territoriales. Nous avons rencontré des acteurs de la prévention à Strasbourg, Le Havre, Lyon, etc. Voici les principaux enseignements de cette enquête Interprète.

Les nouveautés introduites par les PPRT et leurs effets secondaires.
Pour une évaluation plus fine du risque, la réglementation PPRT a profondément complexifié la démarche technique mise en oeuvre auparavant en introduisant des évaluations probabilistes, sept niveaux d’aléas distincts et des évaluations de la vulnérabilité des bâtis. Complexification mais aussi plus de participation avec l’introduction, dans la procédure, de nouveaux acteurs : les collectivités et les riverains. Ces acteurs possèdent, dans la majorité des cas, très peu d’expertise technique alors qu’elle est la pierre angulaire de la démarche. Elle détermine les aléas, le périmètre, elle valide les scénarios d’accidents et les distances d’effets. En définitive, ce sont les experts techniques qui déterminent les contraintes, le cadre problématique et la manière dont, au-delà des enjeux de sécurité, les questions économiques et sociales sont traitées dans le PPRT.

Considérée séparément, chacune de ces deux évolutions améliore la compréhension et la gestion des risques. Néanmoins, leur combinaison au sein d’une même procédure a généré chez les élus, au début des PPRT au moins, de multiples conséquences :
> de la défiance à l’égard de la procédure PPRT. L’élaboration de l’aléa s’effectue dans le cadre d’échanges bilatéraux entre les DREAL et les industriels. Les DREAL ne présentent la carte des aléas qu’une fois validée. Résultat : elle se retrouve au centre de toutes les préoccupations. L’éviction des collectivités de cette étape du PPRT est perçue comme « un des plus grands loupés de la démarche PPRT ».
> des demandes de démonstration de la légitimité de l’aléa. Ces demandes sont formulées notamment quand la carte des aléas est modifiée ou lorsque les enjeux sont importants.
> des difficultés à se positionner : les élus ont des difficultés à porter et expliquer à leurs administrés une procédure sur laquelle ils n’ont ni le pouvoir de décision, ni toutes les réponses aux questions posées par leurs administrés.

Démarches participatives
Sur cette thématique, un point est particulièrement ressorti : l’Etat est omniprésent. L’Etat joue, en effet, de multiples rôles dans la procédure PPRT. Il est tour à tour : décideur final, expert technique, partie prenante, concepteur de la démarche participative et garant de son déroulement.  Les modalités d’organisation de la participation sont définies par l’Etat dès l’arrêté de prescription du PPRT. De plus, le déploiement effectif de ces modalités sur le terrain à travers des réunions POA, réunions publiques, plaquettes d’information, conférences de presse sont également de son ressort.
Les collectivités s’organisent.
Les collectivités ont mis en place un certain nombre d’initiatives pour prendre leur place dans la réflexion sur les risques. Le PPRT joue à ce titre un rôle incitatif majeur. Nous avons identifié plusieurs stratégies :
> L’acquisition de nouvelles compétences en risques accidentels. Les élus porteurs de positionnements politiques se sont dotés d’appuis techniques en vue de les aider dans la traduction du langage technique de l’Etat. Même si elle est sensible, cette montée en compétence reste encore limitée. Sur 37 communes interrogées, seules 12 d’entre elles (32%) disposent d’une compétence technique sur les risques. Ces communes appartiennent à 31 intercommunalités différentes dont 9 d’entre elles (29%) apportent un appui.
> Meilleure information et sensibilisation des riverains. Les communes sont le relais naturel avec la population. En complément des dispositifs existants (POA, CLIC, réunions publiques) qu’elles jugent très insuffisants, beaucoup ont mis en place une démarche d’information des riverains. A titre d’exemple, nous pouvons citer les démarches de la Conférence riveraine de Feyzin et la Cellule d’information personnalisée de La Rochelle. Généralement, ces démarches s’appuient sur les structures de démocratie participative préexistantes au PPRT. 

EXEMPLE DE STRASBOURG – La collectivité entre dans le débat technique.
Le Port aux pétroles (POP) de Strasbourg regroupe des dépôts pétroliers et des stockages de produits chimiques. Bordé à l’Est par le Rhin et à l’Ouest par le quartier résidentiel de la Robertsau, une pression importante des riverains et de la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS) a été exercée pour modifier les périmètres et soustraire les habitations au tracé de l’aléa. La CUS, en partenariat avec le POP ont cofinancé une étude visant à identifier de nouvelles mesures de réduction des risques.
Si, en définitive, aucune de ces mesures n’a été réalisée, la pression sociale ainsi exercée a poussé un des industriels à fermer des stockages dont l’exploitation ne semblait plus justifiée. Une nouvelle carte des aléas a ainsi été élaborée en 2011. Cette expérience met en évidence le fait qu’une collectivité peut entrer avec succès dans une réflexion sur les aléas.

Mais elles ont des difficultés à se saisir du dossier PPRT.
Au-delà des difficultés relatives à la compréhension de la dimension technique d’un PPRT, les collectivités ont des difficultés à coordonner leurs différents services dont les compétences peuvent intervenir à un moment ou un autre dans la procédure PPRT.
Autre difficulté : les PPRT nécessitent la collaboration entre les communes et l’échelon intercommunal. Force est de constater sur ce dernier point, que les communes se retrouvent souvent seules à se mobiliser.
Ainsi, il semble que la thématique Risques n’a pas encore trouvé un ancrage stable dans les collectivités. La compétence risque n’est toujours pas identifiée comme telle dans les collectivités.
La politique de gestion des risques et les autres
Sur le terrain, la procédure PPRT se discute difficilement avec les autres dimensions du territoire. Il nous semble que deux raisons peuvent expliquer cette difficile articulation:
> La première est interne aux collectivités. Le risque est une notion transverse qui doit être abordée dans le cadre d’une vision à long terme avec des outils méthodologiques dédiés et gérés par un responsable des risques ;
> La seconde est un manque d’outils méthodologiques, validés par l’Etat et les collectivités, pour permettre une communication effective des différentes politiques, y compris celle relative aux risques accidentels.
Conclusion
Face à un tel constat, de nombreuses pistes d’amélioration existent! Ainsi, des dispositifs d’information ciblés des riverains ou des évaluations des aléas qui prennent en compte aussi tôt que possible les contraintes du territoire sont des pistes de travail qui pourraient être mises en place. A plus long terme, il s’agit pour la politique de gestion des risques de passer d’une relation Etat-collectivités qui se limite souvent à celle d’un prescripteur qui impose et d’un gestionnaire du territoire qui essaie d’appliquer à un vrai partenariat, basé sur une conscience commune des risques et sur des politiques territoriales qui prennent systématiquement en compte le risque industriel.
Néanmoins, un tel partenariat ne peut prendre forme que si les collectivités se dotent elles aussi de compétences et d’outils qui leur permettent de considérer systématiquement la question des risques dans toutes leurs politiques.
Interprète : ce qu’il faut retenir
> L’ensemble des acteurs s’accorde sur la pertinence des PPRT comme outil de maîtrise des risques et de protection des populations.
> L’insuffisance des outils méthodologiques pour permettre une communication effective des différentes politiques ;
> La difficulté pour une collectivité d’influer sur le déroulement du PPRT due d’une part à la complexité technique et administrative de la procédure, et d’autre part, à l’omniprésence de l’Etat
> La montée en compétence des collectivités permet d’entrer dans la procédure et dans la définition même des aléas.
Liste des entretiens réalisés
Zone portuaire du Havre, Communauté d’agglomération du Havre
C.Chicot. Directeur du service urbanisme, Gonfreville-l’Orcher
H.Collette. Service urbanisme, Le  Havre
J.P.Lecoq. Maire de Gonfreville-l’Orcher,  V-P CODAH
A.Lemaire. Direction de la sécurité, Le Havre
P.Lions. Directeur du service information sur les risques majeurs, CODAH
Grand Lyon, Vallée de la chimie
Y.Blein. Député du Rhône, Maire de Feyzin
S.Chambe. Directeur de la planification urbaine, Grand Lyon
G.Claisse. V-P en charge de la démocratie participative, Grand Lyon
C.Desmontès. Sénatrice-Maire de Saint-Fons
M.Domenech-Diana. Maire de Pierre-Bénite et VP du Grand Lyon
Strasbourg, Communauté urbaine de Strasbourg (CUS)
A.S.Collin. Chargée de mission risques, CUS
S.Foresti. Directeur service environnement, CUS
Mr Fournaise. Directeur technique du Port Autonome de Strasbourg
K.Miss. Mission sécurité civile,  Strasbourg
Mme Tribillion. Chef de service Prospective et planification urbaine, CUS
F.Sauer. chef-adjoint de service prospective, CUS
Etang de Berre
F.Boullerne. Directeur du service environnement, Martigues
V.Burroni. Député-maire de Châteauneuf-les-Martigues
F.Gomez. Chargé de mission risques, Berre-l’Etang
R.Kiegel. Adjointe au maire en charge des risques, Châteauneuf-les-M.
R.Raimondi. Maire  de Fos-sur-Mer
G.Thebault. chef du service risques majeurs, Fos-sur-Mer
R.Vidal. chargé de mission risques, Martigues
La Rochelle, Communauté d’agglomération de La Rochelle (CDA)
M.Bono. Maire de La Rochelle,  Président de la CDA
E.Boutin. technicien environnement, CDA
C.Groult. Chargée de mission risques, La Rochelle
J.L.Jamet. Directeur du serv. environnement, CDA
X.Lempeureur. Cabinet du Maire de la Rochelle
M.Simoné. Adjointe  en charge des risques et VP  en charge du développement économique à la CDA
INERIS
Pour mener à bien cette étude, Amaris s’est associée à l’INERIS (Institut national de l’environnement industriel et des risques). Cet établissement public, placé sous la tutelle du MEDDE, a pour mission de contribuer à la prévention des risques que les activités économiques font peser sur la santé, la sécurité des personnes, des biens et sur l’environnement. Il mène des programmes de recherche visant à mieux comprendre les phénomènes susceptibles de conduire aux situations de risques ou d’atteintes à l’environnement et à la santé, et à développer sa capacité d’expertise en matière de prévention et d’appui à la prise de décision.